Félicitations au professeur Jacqueline Best, récipiendaire du prix d'excellence en recherche 2020

Publié le mercredi 9 septembre 2020

Je suis ravie et honorée de recevoir le Prix d'excellence de la recherche de la Faculté des sciences sociales. C'est une source de fierté, de joie et d'inspiration pour moi d'avoir ce soutien de mes pairs au sein du Comité de recherche de la Faculté.

Comme tant de collègues, il m'est plus difficile de poursuivre mes recherches depuis que la pandémie a frappé, en raison de l'impossibilité d’effectuer des voyages de recherche, du stress très réel lié à l'incertitude soutenue et, bien sûr, du fait que mes enfants ont été à la maison avec moi pendant la majeure partie des six derniers mois. En même temps, je continue à trouver du réconfort et de l’inspiration dans mes recherches. Même si les derniers mois ont été sombres, la crise de la COVID-19 et, plus important encore, notre réponse politique, sociale et culturelle collective à cette crise m'ont aidé à voir certains aspects de ma recherche sous un nouveau jour. Je souhaite partager brièvement trois de ces nouvelles perspectives.

Au fil des ans, mes recherches ont porté sur les limites de la connaissance dans la formulation des politiques, ses ambiguïtés, ses échecs et sa relation avec l'ignorance. Bien qu'il puisse sembler pervers de se concentrer sur les limites de l'expertise, je dirais qu'il est absolument essentiel de faire ce genre de travail, en particulier en ce moment. Dans la récente crise de santé publique, il était remarquable à quel point les principaux décideurs politiques ont dû agir rapidement, tout en reconnaissant la nature imparfaite et évolutive de leurs connaissances. Quel contraste avec les approches dogmatiques à la politique qui refusent de reconnaître la complexité d'une question donnée et prétendent avoir la solution parfaite. Quel contraste aussi avec ceux et celles qui optent pour une ignorance délibérée et condamnent toute expertise comme étant sans signification. Dans un monde où des étiquettes comme « l'après-vérité » sont devenues courantes, nous avons besoin d'une compréhension plus solide du potentiel et des limites des connaissances des experts. 

En termes empiriques, j'étudie l'économie politique internationale. Bien que cela signifie que j'explore souvent certains des aspects les plus abstraits et les plus obscurs des politiques économiques mondiales, j'ai poursuivi une approche à ces questions qui examine les façons dont la politique et l'économie se manifestent dans les pratiques sociales et culturelles quotidiennes. Au cours du semestre de printemps, j'ai utilisé cette approche pour donner un cours à distance sur les dimensions politiques de tous les jours de l'économie (POL3103). Quelle chance extraordinaire de pouvoir partager avec mes étudiantEs leurs propres expériences sur la façon dont la COVID-19 changeait leur vie : en aidant à forger une nouvelle compréhension critique de la nature du travail rémunéré, du travail de soins, de la consommation, des entreprises, de la dette et de l'environnement. Ensemble, nous avons identifié les façons dont cette crise sanitaire intensifiait les nombreuses divisions existantes de l’économie politique, révélant plusieurs de nos « angles morts » collectifs concernant les inégalités au sein de notre économie et encourageant de nouvelles conversations sur les améliorations possibles.

En fait, l'un des projets les plus passionnants et les plus opportuns sur lequel j'ai travaillé ces deux dernières années est une paire de numéros spéciaux sur les « angles morts de l'économie politique internationale », qui doivent être publiés cet automne dans la Review of International Political Economy and New Political Economy. Ce projet cherche à appliquer à nos propres recherches l'idée que nos connaissances sont limitées et à identifier les angles morts dans notre domaine, c’est-à-dire les problèmes, les enjeux et les expériences que nos « lentilles » analytiques ne parviennent pas à relever ou traitent comme marginaux, alors qu'ils sont en fait centraux. Si de nombreux spécialistes de l'économie politique internationale et comparée étaient relativement convaincus qu’ils avaient compris la crise financière mondiale de 2008, il n'est plus aussi évident plus de dix ans plus tard que notre champ soit à la hauteur du défi mondial de l'époque où nous vivons. L'omniprésence du racisme et de la xénophobie, la misogynie et les mouvements de lutte contre celle-ci, la menace croissante de la crise climatique, la montée du populisme et du nationalisme ne sont que quelques-unes des dynamiques que les économistes politiques doivent s'efforcer de mieux comprendre si l'on veut relever efficacement ces défis.

Comme nous le notons dans l’introduction du numéro spécial de New Political Economy, « Deux ans après le début de ce projet, alors que la COVID-19 met à nu les façons dont la race, le sexe et la classe sociale interagissent pour influencer la probabilité relative de survie, alors que le populisme et le nationalisme poursuivent leur marche en avant et que les gens se mobilisent dans le monde entier pour protester contre l'injustice des systèmes politiques et économiques dans lesquels les vies des Noirs ne sont pas traitées comme ayant une valeur égale, ces préoccupations résonnent d'autant plus ».

Ce prix d'excellence en recherche confirme à quel point je suis chanceuse de pouvoir continuer à essayer de donner un sens à ces questions importantes et de le faire en tant que membre d'une communauté de chercheurEs aussi dynamique et solidaire que celle que nous avons ici à l'Université d'Ottawa.

Jacqueline Best est professeure titulaire à l'École d'études politiques de l'Université d'Ottawa.

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