Les effets du plastique sur notre environnement
Marie Lecuyer étudiante à la maîtrise à l'École d'études sociologiques et anthropologiques recherche les effets du plastique sur notre environnement.
Parlez-moi de votre parcours
Mon parcours est un parcours de circonvolutions et de détours, qui m’a finalement amené en anthropologie. J’ai commencé mes études en sciences de la communication pour ensuite me tourner vers les sciences politiques. Je me retrouve finalement en anthropologie et m’y plaîs car je pense pouvoir, dans cette discipline, rallier des intérêts théoriques, mais aussi poétiques et politiques.
Qu’est-ce qui vous a motivé ou inspiré à poursuivre votre recherche?
Il est difficile de remonter à une origine. J’ai d’abord pensé à plusieurs sujets avant de m’intéresser à la pollution plastique. J’avais en tête au début de ma maîtrise de travailler sur la radiotoxicité, puis je me suis penchée sur le pétrole et finalement sur une de ses concrétions: le plastique. L’idée de pollution sous-tend ces différentes tentatives de recherche. Il s’agit pour moi d’envisager la pollution comme forme de violence diffuse, dont le référent, et donc la responsabilité, sont dissouts. Cette dissolution rend cette forme de violence ou de contrôle, d’autant plus difficile à cerner et donc à parer, concrètement. Ce qui m’intéresse dans cette recherche est aussi la dimension infraordinaire au sens où la présence du plastique est banalisée, normalisée et pourtant ses effets sont conséquents, à une échelle qui dépasse le cadre des frontières. Cette recherche sur la pollution plastique remet en question des concepts classiques en théorie politique tels que celui de frontières, mais aussi de communauté par exemple. J’intègre aussi une dimension multi-média en espérant peut-être exprimer, plus qu’expliquer, ce qu’être au monde à une époque dite du “Plasticène”, (en référence à l’Anthropocène et à un régime pétromoderne) peut vouloir dire.
Pourquoi votre recherche est importante dans la société d’aujourd’hui?
À cette époque, que je dis de “plastification du monde”, caractérisée par la saturation liée à une surproduction et surconsommation de plastique, la présence de ce dernier à l’état de déchet est problématique car ses durées nous dépassent très largement. Le mode de décomposition du plastique est très lent et photodégradable plus que biodégradable. Je pense donc qu’il est important d'étudier les tendances qui ont fait advenir cette époque pour pouvoir envisager, ou en tout cas reconsidérer les politiques environnementales à déployer. Cette recherche propose en fait que s’il y a catastrophe environnementale, à cause de l’accumulation et de l’hyperprésence du plastique, la catastrophe se trouve en fait certainement au niveau de la relation de la société à l'État et de l'érosion de la responsabilité de ce dernier ainsi que de l'industrie du plastique. En étudiant la circulation du déchet plastique et du système de recyclage qui fait office de point d’inflexion où l’objet dépotentialisé devenu déchet est repotentialisé pour être réintégré à un système économique, alors je pourrai mieux comprendre ce et ceux que ce système alimente, et saisir dans quelle mesure est-ce que cela contribue à un effort de (dé)pollution.
Qu’aimerez-vous voir ou accomplir dans le futur à ce sujet?
Ce que j’aimerais partager par cette recherche c’est peut-être l’idée d’engagement politique, ou de “response-ability” comme dit Donna Haraway et ainsi réfléchir un instant sur ces gestes du quotidien qui témoignent aussi d’une intention, d’une posture éthique. Chacun de nos gestes constituent quelque part en un acte de foi en un système politique et économique. Ils viennent ainsi générer et entretenir un mode d’existence. Si cette recherche a des objectifs théoriques ainsi que des intentions esthétiques, qui ont des effets certainement aussi très concrets, elle n’a pas de prétentions d’ordre moral, et ne se veut pas non plus tragique. Elle se voudra en fait être une invitation à une réflexivité épistémologique et ontologique.