
Parlez-moi de votre parcours?
Alors que j’étais étudiante au baccalauréat, j’ai participé à un stage dans une communauté paysanne autochtone zapotèque au Mexique dont le territoire était alors convoité par des projets de développement de grande envergure –projets qui auraient déplacé de force les villages de la région. Mon rôle fut de donner des ateliers sur les droits des peuples autochtones à ces communautés, afin qu’elles puissent défendre leur territoire face à ces projets.
Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé pour le Comité pour les droits humains en Amérique latine (CDHAL) à Montréal. L’exploitation des ressources naturelles (surtout minière et hydroélectrique) est un enjeu important au sein de ce comité, alors qu’il touche de très près les peuples autochtones auprès desquels il est impliqué et suscite leur résistance. Beaucoup plus qu’un emploi, j’ai toujours conçu mon travail comme un appui solidaire aux luttes pour la dignité des peuples, soit un engagement qui fait partie intégrante de ma vie.
Par la suite, j’ai travaillé pour le Réseau canadien pour la reddition des comptes des entreprises en vue de faire adopter le projet de loi C-300 par le parlement fédéral. Ce projet visait à faire en sorte que les compagnies minières canadiennes exploitant à l’étranger respectent un minimum de droits humains et de normes internationales. Le projet de loi fut battu de justesse en 2010.
Après plusieurs années dans le milieu de la solidarité internationale, j’ai décidé de faire un retour dans le milieu académique, et j’ai alors travaillé pour le Groupe de recherche sur les espaces publics et les innovations politiques (GREPIP) et le Réseau québécois en études féministes (RéQEF).
Qu’est-ce qui vous a motivé ou inspiré à poursuivre votre recherche?
En mars 2013, les médias guatémaltèques annoncèrent l’enlèvement de dirigeants du Parlement xinka, puis la mort d’un d’eux, alors qu’ils revenaient d’une consultation populaire dans une communauté voisine sur l’exploitation minière. Quelques semaines plus tard, après une rencontre explosive entre des résidents et des employés d’une compagnie minière canadienne, l’État guatémaltèque décrétait un état de siège dans quatre municipalités du sud-est du pays, dont des communautés xinkas.
Pour plusieurs personnes au Guatemala et à l’étranger, dont moi la première, ce fut à travers ces évènements qu’elles prirent connaissance de l’existence du mystérieux peuple xinka. Désirant en savoir davantage sur ce peuple, j’effectuai alors une recherche sur Internet, mais les résultats furent peu nombreux et pauvres en information. Il semblait s’agir d’un peuple qui (ré) affirmait son identité autochtone en défendant ses droits, et dont les organisations étaient engagées dans la défense du territoire contre l’exploitation minière. Pourtant, si ces éléments contribuaient à tracer le portrait des Xinkas, le tout demeurait largement nébuleux. C’est cet aspect flou qui m’a motivée à entreprendre ma recherche de maîtrise sur le sujet, dans le but d’éventuellement de poursuivre des études doctorales sur le sujet et en collaboration avec des organisations xinkas.
Pourquoi votre recherche est importante dans la société d’aujourd’hui?
Depuis plus de 500 ans, les peuples autochtones ont été dépossédés et maintenus dans des conditions précaires par les États coloniaux. Étant très bien consciente que la présence minière est [trop] souvent synonyme de destruction environnementale, de dépossession, de violence, de conflits et de divisions communautaires, j’ai souhaité – en choisissant ma question de recherche – mettre en valeur l’aspect créateur que cette conflictualité peut susciter. Je m’intéresse donc aux efforts mis en branle par les organisations et communautés xinkas pour (re)définir leur identité, émerger comme nouveaux acteurs politiques et développer des normes juridiques relatives aux peuples autochtones au Guatemala.
Qu’aimerez-vous voir ou accomplir dans le futur à ce sujet?
J’aimerais pouvoir contribuer à la visibilité et à la reconnaissance du peuple xinka afin qu’il soit considéré comme égal et ne soit donc plus discriminé, et pour que sa culture et son existence soient valorisées au sein de la société guatémaltèque et à l’extérieur du pays.
Plus largement, je souhaite que les communautés autochtones - tant en Amérique latine qu’ici au Canada ou ailleurs dans le monde - cessent d’être çmarginalisées et vivent dans des conditions dignes. Il est nécessaire, à mes yeux, qu’elles soient les maîtres de leur développement et que les peuples autochtones puissent jouir de leur droit à l’autodétermination.
Le fait que l’État canadien appuie et promeut les investissements miniers canadiens à l’étranger, et ce, tout en refusant de les soumettre à des normes de droits humains, ou de reconnaître le droit des peuples autochtones au consentement libre, préalable, informé et éclairé, me fait redoubler d’efforts dans mes actions solidaires avec les peuples qui défendent leurs droits. Il s’agit pour moi d’un devoir moral et c’est en appui à ce principe que s’insère ma recherche. Dans ce sens, ma recherche – et plus globalement ma démarche personnelle - s’inscrit définitivement dans une optique de décolonisation et de justice sociale.