
Les sushis sont devenus un symbole de la restauration rapide haut de gamme, une délicatesse culinaire accessible à toutes les bourses. L'étudiant à la maîtrise en anthropologie Nicolas Rutherford expose, à travers ses recherches, les enjeux complexes de l’industrie des sushis et souligne quelques faits étonnants de ce secteur.
Poisson modifié aux agrumes dans les sushis
Selon Rutherford, des chercheurs spécialisés dans l’alimentation hautement concurrentielle, comme celle de la restauration des sushis au Japon, sont constamment à la recherche de nouveaux moyens pour attirer la clientèle. Récemment, une méthode prometteuse vient d’être mise en place pour modifier le goût et l'odeur du poisson utilisé dans la fabrication de sushis. Le procédé est simple : il suffit d’introduire de nouveaux aliments à la nourriture des poissons. Par exemple, on perçoit maintenant une saveur très prononcée d’agrume aux sushis à base de flétan et de sériole à queue jaune. Cela s’explique par une accumulation de limonène dans les organes et les tissus adipeux des poissons, résultant précisément par l’ajout d'agrumes (oranges, citrons ou kabosu, un petit agrume japonais) au régime alimentaire des poissons provenant de l'aquaculture. Ces produits à base de poissons modifiés gagnent en popularité au Japon, incitant ainsi l'industrie alimentaire à tester différents types de procédés afin de créer de nouvelles saveurs de sushis. Jusqu’ici, de nombreux produits ont été testés, en allant des agrumes aux herbes, jusqu’aux fraises!
La Norvège introduit le saumon dans les sushis
Les motivations commerciales ont, elles aussi, transformé les habitudes alimentaires des adeptes de sushis. Il y a 30 ans à peine au Japon, le saumon était rarement utilisé dans la fabrication de sushis. De manière générale, les Japonais avaient un dégoût vis-à-vis le saumon cru, notamment son goût, son odeur et même sa couleur. De plus, le saumon sauvage originaire des eaux japonaises est habituellement porteur de parasites et doit être cuit afin que sa consommation ne présente aucun danger. Qui plus est, toutes tentatives d'importation de saumon semblaient vouées à l'échec, car le poisson avait mauvaise réputation parmi le grand public. Cependant, tout est amené à changer dans les années soixante-dix, lorsque la Norvège connait un essor important dans l’industrie de l'aquaculture. Devant les surplus de saumon, l'entrepreneur norvégien Bjorn Eirik Olsen est convaincu qu'il peut l’exporter ailleurs et est déterminé à pénétrer le marché japonais. Après plusieurs années, Olsen arrive enfin à convaincre le fournisseur d’aliments surgelés Nishirei de devenir la première entreprise japonaise à offrir des sushis produits avec du saumon norvégien. Sceptique au départ, le public est vite séduit par le goût de beurre du saumon. Aujourd'hui, le saumon est devenu un aliment incontournable au Japon, dont 100% du saumon utilisé pour les sushis est importé. Une étude récente démontre même que le saumon a maintenant largement dépassé le thon en tant que sushi préféré des consommateurs.
Nicolas Rutherford
En ce moment, Nicolas Rutherford entreprend sa maîtrise en anthropologie à l’École d'études sociologiques et anthropologiques de la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. Il est aussi l’un des coordonnateurs du Humanimalab, un groupe de recherche qui s’intéresse à cette nouvelle époque géologique, environnementale, politique et culturelle dans laquelle notre planète entrerait aujourd’hui de plain-pied. Cette époque, les experts l’ont baptisée Anthropocène, en référence à l’humain (anthropos, en grec) dont on dit qu’il serait à l’origine de changements climatiques et environnementaux puissants.