
Résumé

Les dépenses du Canada en matière d’aide étrangère stagnent depuis plus d’une décennie, même si l’aide au développement joue un rôle important dans l’amélioration des conditions de vie des populations pauvres et marginalisées partout dans le monde. L’aide étrangère fournit également au Canada des outils d’« influence douce » (« soft power »), notamment une place à la table des négociations et une crédibilité dans les forums internationaux et dans les pays en développement. Au moment où le gouvernement tente d’accroître son influence sur la scène internationale, notamment en se faisant élire au Conseil de sécurité de l’ONU, trois choix s’offrent au Canada : 1) promouvoir les initiatives d’aide distinctives, 2) augmenter l’aide ou 3) faire les deux.
Enjeu
- De 1972 à 2002, le Canada a contribué beaucoup plus que la plupart de ses pairs de l’OCDE au développement international, proportionnellement à la taille de son économie. Toutefois, le Canada s’est depuis fait moins généreux que la moyenne.
- Le gouvernement canadien veut être perçu comme un acteur mondial et faire avancer certaines initiatives prioritaires sur la scène internationale, mais sa crédibilité est quelque peu entachée par son manque relatif de générosité en matière d’aide étrangère.
Contexte
- L’aide étrangère, souvent appelée aide internationale ou coopération au développement, est un élément clé des efforts mondiaux visant à réduire la pauvreté et les inégalités dans le monde, y compris les efforts actuels pour atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies d’ici 2030.
- En 1970, le Canada s’est engagé à consacrer 0,7 % de son produit national brut (PNB) à l’aide publique au développement (APD) au plus tard en 1975, engagement qu’il a réitéré à maintes reprises dans les décennies suivantes. Bien que l’aide étrangère ait atteint 0,54 % en 1975, elle n’a plus jamais retrouvé ce niveau depuis. En 2018, l’APD du Canada représentait 0,28 % du PNB. Si les chiffres varient quelque peu d’une année à l’autre, depuis 1965, les dépenses d’aide ont rarement été inférieures au ratio actuel.
- Ni le gouvernement actuel ni le gouvernement précédent n’ont indiqué vouloir consacrer d’importantes ressources supplémentaires à l’aide étrangère, et encore moins vouloir atteindre l’objectif de 0,7 %.
- Le Canada a longtemps tenté d’« exercer une influence supérieure à son poids » par le biais d’initiatives distinctives et d’exemples de leadership mondial, par exemple en ce qui a trait à l’interdiction des mines antipersonnel et à la création de la Cour pénale internationale.
- Plus récemment, dans le domaine de l’aide étrangère, le gouvernement Harper a fait la promotion de l’Initiative de Muskoka pour la santé maternelle, néonatale et infantile, tandis que le gouvernement Trudeau a vanté sa Politique d’aide internationale féministe.
Facteurs à considérer
- Bien que le Canada n’ait pas l’intention d’accroître sensiblement son aide, plusieurs pays européens ont atteint ou dépassé l’objectif de 0,7 % (la norme internationale) ou se sont engagés à respecter un calendrier pour l’atteindre, y compris la Norvège et l’Irlande, qui sont des rivaux du Canada dans le contexte des élections pour un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2021.
- Un niveau stationnaire et relativement faible de dépenses d’aide suscite non seulement des critiques à l’endroit du gouvernement canadien parmi les organisations de la société civile, les médias et les universitaires canadiens, mais il peut aussi nuire à la crédibilité du Canada sur la scène internationale.
- De nouvelles initiatives non assorties de fonds supplémentaires impliquent qu’elles seront financées en réduisant ou en éliminant le financement d’autres initiatives et secteurs.
- Des initiatives canadiennes efficaces et très visibles peuvent contribuer davantage à une « influence douce » que des contributions de faible visibilité, surtout si ces dernières sont mises en commun avec celles d’autres bailleurs de fonds ou de gouvernements bénéficiaires.
- En revanche, les projets à court terme et à forte visibilité sont généralement considérés comme moins efficaces et moins durables sur le plan de la réduction de la pauvreté. De plus, une grande visibilité peut se retourner contre les donateurs si les projets n’atteignent pas leurs objectifs, comme le cas des projets distinctifs du Canada en Afghanistan.
- Les Canadiens sont généralement favorables à l’aide étrangère, même si celle-ci ne figure pas nécessairement dans leur liste de priorités.
Recommandations
Le gouvernement canadien peut faire ce qui suit :
Option 1 : Maintenir des niveaux d’aide relativement faibles et continuer à promouvoir des initiatives distinctives.
Cette option présente l’avantage d’avoir potentiellement plus d’influence, sans augmenter les dépenses. Toutefois, certains observateurs et praticiens reprocheront à ces programmes d’aide d’être moins efficaces et de risquer d’attirer encore plus d’attention négative si une initiative très médiatisée se révèle décevante. Les initiatives distinctives sont également plus susceptibles d’être abandonnées lorsqu’il y a un changement de gouvernement, ce qui peut donner l’impression que le Canada est un partenaire moins fiable.
Option 2 : Augmenter les niveaux d’aide.
L’augmentation de l’aide étrangère du Canada aurait une incidence positive sur la lutte mondiale contre la pauvreté et l’inégalité. Cela apporterait plus de crédibilité au Canada auprès de ses pairs donateurs et de la communauté internationale en général, donnerait plus de poids au gouvernement canadien à la table des négociations et, éventuellement, lui apporterait une plus grande influence sur l’établissement des plans d’action, y compris de meilleures chances d’obtenir un appui lors des élections au Conseil de sécurité, en particulier de la part de l’Afrique, détentrice d’un grand nombre de votes. Cela supposerait toutefois d’augmenter le déficit budgétaire fédéral ou de réduire d’autres dépenses publiques.
Option 3 : Combiner les options 1 et 2.
Des niveaux de financement supérieurs renforceraient la crédibilité et l’impact des initiatives stratégiques canadiennes. En cas de succès, ils aideraient à justifier les dépenses supplémentaires. Toutefois, si les fonds supplémentaires étaient perçus comme mal dépensés, cela minerait la crédibilité du Canada et l’appui au gouvernement, tout en mettant en péril les dépenses d’aide futures.

Stephen Brown est professeur titulaire à l’École d’études politiques à l’Université d’Ottawa. Ses recherches portent sur l’intersection des politiques et pratiques des pays du Nord et autres acteurs internationaux avec la politique dans les pays du Sud, surtout en Afrique subsaharienne.