
Résumé

La capacité des oléoducs qui permettraient de transporter le pétrole produit en Alberta vers les marchés externes est insuffisante. Depuis plus de dix ans, quatre projets majeurs d’oléoducs ont été présentés, mais aucun n’a encore atteint l’étape de réalisation. En aout 2018, le gouvernement fédéral a acquis l’oléoduc TransMountain pour en soutenir l’expansion. Le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique (C.-B.) s’oppose farouchement à cette expansion. Le gouvernement canadien peut soit imposer ce projet de force à la C.-B., soit temporiser. C’est cette dernière option qui sera adoptée même si le gouvernement fédéral a déjà versé 4,5 milliards de dollars pour devenir propriétaire de TransMountain.
Enjeux
- Manque de capacité pour transporter le pétrole produit en Alberta vers les marchés extérieurs.
- La concurrence entre les producteurs albertains pour utiliser la capacité limitée des oléoducs fait baisser le prix interne du pétrole en Alberta et crée ainsi un écart entre le prix reçu par les producteurs albertains et le prix mondial. Cet écart a atteint 40 $/baril en décembre 2018.
- Perte de revenu pour le gouvernement albertain qui perçoit des redevances sur la valeur de la production pétrolière et l’impôt sur le revenu des sociétés.
- En décembre 2018, la première ministre Notley a décrété une baisse de production de 325 000 barils/jour et a affirmé que la hausse du prix du pétrole en Alberta permettrait à la province de percevoir 1,1 milliard de dollars de plus durant l’année budgétaire 2019-2020.
Contexte
- Augmentation de la production du pétrole brut provenant des sables bitumineux à la suite de la hausse du prix mondial depuis l’an 2000. La production est passée de 1 million de barils/jour en 2005 à 2,7 millions de barils/jour en 2017.
- Plusieurs projets majeurs d’oléoducs ont été proposés, mais aucun n’est en cours de réalisation. Voici l’ordre temporel de leur présentation :
- Keystone XL reliant l’Alberta au golfe du Mexique : projet présenté par TransCanada (TCPL) en 2008, mais bloqué par le président Obama en 2012.
- Northern Gateway reliant l’Alberta à Kitimat en C.-B. : projet proposé par Enbridge, approuvé par le gouvernement fédéral en 2014 à la suite de la recommandation positive de l’Office national de l’énergie (ONE), mais accompagnée de 209 conditions. Rejet du projet par le gouvernement en 2016 découlant de l’incapacité d’Enbridge de satisfaire les conditions imposées, dont celle de s’entendre avec les communautés des Premières nations établies le long du tracé.
- EnergieEst reliant l’Alberta au port de Saint John, N.-B. : projet présenté par TransCanada en 2013 et annulé en 2017 avant la fin des audiences de l’ONE. Ce projet, qui impliquait la construction d’un nouvel oléoduc dans la vallée du Saint-Laurent allant de la frontière ontarienne jusqu’au N.-B., a suscité une forte opposition au Québec.
- TransMountain reliant l’Alberta et Burnaby, C.-B. : projet présenté par Kinder Morgan et approuvé par le gouvernement fédéral à la suite de la recommandation positive de l’ONE. Forte opposition du nouveau gouvernement néo-démocrate de la C.-B. Achat par gouvernement fédéral de TransMountain au coût de 4,5 milliards de dollars pour garder le projet actif. Il compte achever le projet et le revendre à des intérêts privés. Une guerre commerciale a éclaté entre les gouvernements de la C.-B. et de l’Alberta : le gouvernement de la C.-B. propose de limiter le transport de pétrole bitumineux sur son territoire et le gouvernement de l’Alberta envisage de réduire les approvisionnements de pétrole vers la C.-B.
Facteurs à considérer
- Selon la constitution canadienne, le gouvernement fédéral dispose de l’autorité pour imposer un projet d’infrastructure reliant deux provinces au bénéfice de l’ensemble des Canadiens.
- Selon cette même constitution, les provinces sont responsables des questions environnementales sur leur territoire.
- Une voie pour résoudre cet imbroglio serait d’offrir une compensation à la C.-B. Il est difficile de concevoir une compensation satisfaisante offerte à la C.-B., car plusieurs groupes ont manifesté leur opposition au projet.
- Nous sommes en présence de deux confrontations : la C.-B. contre l’Alberta et gouvernement fédéral contre les provinces.
- Il existe peu d’exemples tirés de l’histoire canadienne où le gouvernement fédéral a imposé un projet à une province qui s’y opposait fortement.
- M. Andrew Scheer, chef du Parti conservateur, propose d’établir un corridor à travers le Canada qui pourrait être utilisé pour acheminer toutes les sources d’énergie : pétrole, gaz naturel et électricité.
Recommandations
- Imposer le projet TransMountain à la C.-B.
- Remettre le début des travaux à plus tard.
À l’approche de l’élection fédérale d’octobre 2019, la première option ferait perdre des comtés au parti libéral en C.-B. sans générer des gains en Alberta. Je crois donc que le gouvernement libéral choisira la deuxième option suite à l'approbation récente du projet Keystone XL par le président Trump. Il est possible que le projet TransMountain ne soit jamais réalisé et que le gouvernement fédéral ait bien de la difficulté à récupérer les 4,5 milliards de dollars déjà dépensés.

Jean-Thomas Bernard est professeur invité au département de science économique à l'Université d'Ottawa.
Ses recherches récentes sont sur des sujets liés à l'économie de l'énergie: demande énergétique du secteur et des particuliers, efficacité énergétique, prix de l'énergie par source, prévision du prix du pétrole et politiques énergétiques.