Titre du projet : "Au-delà de la vie": comprendre le geste suicidaire des Québécois.es à partir de leurs lettres d'adieu (1919-2021)
Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC : 2020-2025)
Résumé :
Ce projet s'inscrit dans un programme de recherche plus vaste (CRSH 2010-13; 2014-19) qui vise à étudier sur un temps long et à partir de témoignages de première main l'histoire sociale et subjective du geste suicidaire au Québec. Si les projets précédents s'attardaient essentiellement à comprendre l'histoire sociale du geste suicidaire, celui-ci portera davantage sur son histoire subjective, et ce à partir des lettres d'adieu écrites par les personnes décédées par suicide entre 1919 et 2021 au Québec.
Depuis longtemps, les lettres d'adieu retiennent l'attention des romanciers et dramaturges mais aussi des officiers de justice (les coroners) chargés de rendre un verdict en cas de morts suspectes et violentes. Les chercheur.e.s s'y sont également intéressés dès le 19e siècle (i.e. Brière de Boismont, 1851), tant ces lettres apparaissent parlantes, que ce soit pour saisir certains des sens multiples et mouvants de chaque geste suicidaire ou comme témoignage exceptionnel sur l'état d'âme de la personne au moment de rédiger ses derniers mots (un éclairage qui va donc au-delà du geste). Pourtant, malgré cette richesse avérée des lettres d'adieu, rares sont les travaux scientifiques contemporains qui ont pu disposer d'un matériau substantiel et couvrant une longue période historique. Un examen des corpus empiriques existant rappelle les difficultés d'identifier et de colliger ce type de lettres : le plus grand corpus empirique connu au Québec est celui de Volant (1991), avec 482 lettres, alors que sur la scène internationale, Shneidman et Farberow (1957) ont pu en répertorier 782.
Dans le cadre de notre projet, nous constituerons donc le plus grand corpus de lettres de suicide, soit 2560 pour les seules années de recensement entre 1991 et 2021 (avec le Bureau du coroner, 2210 ont été repérées pour les années 1991, 1996, 2001, 2006, 2011 et 2016 plus 350 probables pour 2021). S'ajouteront par ailleurs les 886 lettres que notre équipe de recherche interdisciplinaire Sociologie historique du suicide au Québec (SHSQ) a colligées entre 1919 et 1986 dans nos CRSH précédents.
Les derniers mots des suicidé.e.s seront analysés sur un plan à la fois communicationnel et sociohistorique. Après avoir examiné comment les auteur.e.s de ces lettres cherchent à maintenir ou à retrouver (mais parfois aussi à briser) des liens interpersonnels et sociaux, même « au-delà de la vie » (H. Aquin), nos analyses inscriront le sens du geste suicidaire dans son contexte socioculturel, les lettres de suicide venant ici questionner l'influence des facteurs sociaux (vague migratoire, bouleversement économique, etc.) qui ont pu transformer le profil démographique de celles et ceux qui s'enlèvent la vie. Nous pourrons ainsi constater si la société québécoise qui change sous divers aspects (nouveau rapport à la mort, au corps, à l'intimité, à l'identité, à la famille, à la religion) peut générer de nouveaux types de suicide mais aussi en maintenir de plus « classiques ».
Compte tenu de l'ampleur et de la richesse de notre corpus empirique, celui-ci sera rendu disponible à la communauté scientifique par l'entremise de notre Plateforme numérique (PARSSQ) élaborée en partenariat avec le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l'humeur et les troubles associés (RqSHA) et le Centre d'histoire des régulations sociales (CHRS). Outre cette mise à disposition des données, nous mettrons en lumière les derniers mots des suicidé.e.s dans une perspective communicationnelle, compréhensive et sociohistorique, ce qui permettra de contribuer aux savoirs dans le champ des sciences sociales et humaines, conduire à de nouvelles pistes d'intervention et éclairer les politiques publiques, notamment les débats contemporains sur la mort volontaire et le droit de mourir.
Titre du projet : Plateforme d’analyse de la régulation sociale du suicide au Québec (PARSSQ)
Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés (RqSHA), Réseau thématique de recherche du Fonds de recherche en Santé du Québec (FRSQ) et Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSC) – Réseau thématique de recherche (2019-2023).
Responsable associé: M. Séguin, A. Lesage, P., Corriveau, P. et Perreault, I.
Résumé
Étude des facteurs sociaux et ethnoculturels qui affectent les taux de suicide historiques
Les facteurs sociaux et ethnoculturels sont réputés avoir un impact important sur les variations temporelles des taux de suicide. Le Québec a lui-même connu des variations radicales de ses taux de suicide au fil des décennies : des plus bas taux canadiens durant les années 1960, il a été affecté des plus hauts taux à l’échelle nationale durant les années 1980-1990. Pour ce qui concerne la population non autochtone de la province, les chercheurs des sciences sociales attribuent généralement ces fluctuations à la rapide sécularisation de la société québécoise et aux profondes modifications des rôles et des relations entre hommes et femmes qui y sont survenues.
Récemment, des criminologues, sociologues et historiens de l’Université d’Ottawa, dirigés par dirigés par Patrice Corriveau, Isabelle Perreault, Jean-François Cauchie et André Cellard, s’appuyant sur l’infrastructure technologique disponible au Laboratoire d'analyse historique des régulations sociales (LAHRS) de l’Université du Québec à Montréal, ont débuté la numérisation et la transposition en base de données de tous les dossiers de cas de suicide disponibles dans les archives du Bureau du coroner du Québec pour la période 1763 à 1986.
Les données tirées des quelques 30 000 dossiers de suicide répertoriés constituent une source d’une valeur incalculable pour l’analyse des tendances et des caractères du phénomène suicidaire étalés sur deux siècles, à l’échelle d’une société toute entière, sur un même territoire, pour une population diversifiée aux plans ethnique, religieux, linguistique et socio-économique. Il n’existe à notre connaissance aucune entreprise de recherche sur le suicide de cette envergure, sur un corpus documentaire aussi complet, susceptible de jeter un nouvel éclairage sur la transition d’une représentation juridico-religieuse à une représentation laïque-sanitaire du phénomène suicidaire.
La création de la PARSSQ constitue une ressource incomparable pour l’analyse ethnoculturelle et sociétale du suicide et un complément inespéré aux travaux du regroupement stratégique Dimension psychosociale, éthique et santé autochtone sur les tendances séculaires du suicide, sur ses représentations et ses descriptions par le coroner, les agents de police, les proches, etc., autant que par les personnes décédées elles-mêmes (à travers leurs lettres d’adieu).
Titre du projet : Crime, blasphème, folie ou libre choix? Regards croisés sur l'interprétation et la prise en charge du geste suicidaire au Québec de 1763 à 1972
Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC : 2014-2019)
Résumé :
Depuis l'époque où le suicide était traité par la justice comme un meurtre de soi-même jusqu'à la décriminalisation de la tentative de suicide en 1972 au Canada, la réaction sociale à l'endroit du geste suicidaire a connu un renversement spectaculaire juridiquement et socialement. Crime grave, offense à Dieu, faute individuelle, pathologie mentale, détresse psychologique, problème de société, autant de visages que la société québécoise a associé au comportement suicidaire depuis la Nouvelle-France.
Notre projet constitue la deuxième phase d'un vaste programme de recherche sur une sociologie historique du suicide entrepris en 2008 et subventionné par le CRSHC (2010-2013) qui vise à étudier le geste suicidaire au Québec depuis 1763 à partir des témoignages de première main. Il s'agit maintenant d'analyser l'évolution des discours juridiques, psychiatriques, intellectuels et culturels qui ont pu influer sur le changement de la représentation sociale du geste suicidaire et ses modes de prise en charge jusqu'en 1972, année de la décriminalisation de la tentative de suicide. Trois axes de recherche sur un temps long sont priorisés: 1) l'étude des dossiers des cours de justice conservés aux Archives nationales du Québec (ANQ), 2) l'examen des suivis psycho-médicaux des internés préservés dans les archives des institutions psychiatriques (principalement à L.H. Lafontaine à Montréal), 3) une histoire culturelle sur la mort volontaire au Québec à partir des écrits savants et littéraires qui a pu influer la réaction sociale face au suicide. Autant de points de vue qui ont émergé de nos analyses des dossiers du coroner et qui méritent une attention particulière pour saisir la complexité de la représentation du geste suicidaire sur un temps long.
Poursuivant notre démarche méthodologique éprouvée depuis cinq ans aux ANQ, nous analyserons les discours des acteurs sociaux appelés à commenter et expliquer le suicide ou sa tentative, que ce soit les suicidés ou ceux qui ont attenté à leur vie par l'entremise des lettres d'adieu ou encore des témoignages et dépositions des juges, policiers, psychiatres, proches et autres protagonistes concernés dans les documents officiels. Les miliers de dossiers ainsi colligés seront numérisés et ajoutés à notre banque de données sur le suicide afin de jeter des regards croisés sur les pratiques et discours institutionnels et sociaux face au comportement suicidaire (Volant 1990; Gratton 2001; Martel, 2001; Weaver et Wright, 2009; Godineau, 2012; Guillemain, 2012).
Titre du projet : De crime de lèse-majesté à "problème de société": l'évolution de la réaction sociale à l'égard du suicide au Québec de 1763 à 2000
Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSHC : 2010-2013)
Résumé : à l'époque de la Nouvelle-France, le suicide était considéré comme l'un des crimes les plus odieux qui puisse se commettre. Le cadavre d'une personne convaincue de "s'être homicidée" était pendu par les pieds sur la place publique, puis jeté à la voirie. La réaction sociale à cette forme de "déviance" allait par la suite diminuer en intensité aux 19e et 20e siècles jusqu'à ce que le "crime" de tentative de suicide soit retiré du Code criminel canadien en 1972. Longtemps considéré comme faute individuelle, le suicide est désormais perçu comme un "problème de société". En 2006, 42% de la population du Québec considérait le suicide comme "un geste acceptable" (Association québécoise de la prévention du suicide, 2007). Cette évolution face au suicide constitue un exemple frappant de déconstruction d'un crime. C'est l'histoire sociale de cette déconstruction que nous souhaitons entreprendre. Plus particulièrement, nous voulons dégager une analyse de cette évolution à travers le discours même des principaux intéressés, des suicidés eux-mêmes et de leurs proches, pour l'ensemble d'une collectivité, le Québec, de 1763 à 2000.
Or, si une telle étude reste possible auprès des proches de personnes qui se sont enlevées la vie dans un passé relativement récent, elle ne l'est plus lorsqu'il est question d'un passé éloigné. Prétendre interroger les principaux acteurs concernés par ce drame social (proches, officiers de justice, prêtres, médecins) ou le suicidé lui-même sur les raisons de son passage à l'acte; tenter d'établir des liens entre les motifs exprimés et l'évolution du contexte social, politique, économique ou religieux; étudier les états d'âme et l'évolution des attitudes face au geste posé ou encore analyser sur un temps long la réaction sociale à l'égard du suicide par l'entremise des différents témoignages pris sur le vif peut paraître impossible, sinon farfelu. Cependant, en y réfléchissant bien, il appert que cela n'est pas impossible. En effet, depuis les débuts du Régime anglais, les cas de mortalité violente ou suspecte ou qui n'apparaissent pas naturels entraînent au Québec une enquête d'un officier de justice, le coroner. C'est le cas lorsqu'une personne est soupçonnée de s'être suicidée. Lors de son enquête, le coroner prendra les dépositions des proches du décédé, s'attardant sur ses dernières heures de vie, sur ses dernières paroles, sur les causes et motifs qui, selon eux, ont pu motiver son geste. C'est à partir de ces témoignages que nous serons à même d'analyser la réaction des principaux acteurs sociaux intervenant dans les dossiers par rapport au geste posé.
Titre du projet : Plateforme d'analyse de la Régulation sociale du suicide au Québec
Fonds de recherche en santé du québec (FRSQ) - Réseau thématique de recherche (2013-2017)
Partenaires : Réseau sur le suicide, les troubles de l'humeur et les troubles associés (RQSHA) et Laboratoire d'analyse historique des régulations sociales (LAHRS)
Résumé : Mise en place d'une plateforme numérique contenant l'ensemble des documents contenus dans les Archives du coroner du Québec sur les cas de suicide, et ce depuis 1763.